Pourquoi je boycott

Pourquoi je boycott

Une main nous faisant face -- Photo by Nadine Shaabana / Unsplash

On associe trop souvent le boycott a la cancel culture : on ne boycott pas les films de Polanski parce que c'est un violeur, on le cancel. De même pour Voltaire : on le cancel car il était antisémite. Le boycott est le fait d'arrêter d'utiliser, de consommer un produit, un service parce que quelque chose ne nous convient pas dans ce service et que son utilisation amplifie la chose que l'on n'aime pas. Cette définition est en effet très proche de celle de la cancel culture puisque cette dernière est un boycott sans la condition de l'amplification, c'est-à-dire que l'on peut boycott tout et n'importe quoi sans que cela n'ait d'impact. (On pourrait cancel mais pas boycotter une oeuvre de Céline car c'est un collaborationniste alors que cette dernière n'a rien avoir avec la seconde guerre.) Cette distinction est essentielle pour comprendre pourquoi je boycott. Mais d'ailleurs, pourquoi je boycott ?

Le boycott n'est pas de la cancel culture

Confondre boycott et cancel culture serait très embêtant car on perd une nuance importante : la condition de déclenchement. En effet, pour qu'il y ait boycott, il doit y avoir un problème provoquer par son utilisation. Cette condition n'est pas présente dans la cancel culture. Cette distinction fondamentale permet de mieux comprendre pourquoi nous sommes amené⋅es à boycotter certaines choses et pas d'autres.

Le boycott permet de lutter individuellement contre une chose qui nous déplaît moralement. Cette forme de lutte permet d'exprimer notre mécontentement soit à travers un changement de nos habitudes, soit à travers une non action (ne pas acheter un nouveau produit par exemple). Ce type de lutte envoie un message très clair à l'entité à l'origine du service : moi, en tant qu'individu, je souhaite que cela change. Par exemple, en arrêtant d'acheter un produit à cause de la diminution de son rapport qualité/prix, j'indique à l'entreprise la produisant que je suis contre ce changement.

Ce boycott n'est pas de la cancel culture puisque quand l'entreprise changera ce qui nous dérange, on pourra sans problème réutiliser ses services : le boycott ne pose pas un dogme immuable contre une entreprise, une personne ou une entité. Dans le cas de cancel culture, on pose ce fameux dogme contre quelqu'un⋅e, ce qui ellui empêchera d'en sortir de donc d'évoluer, ce qui moralement me pose problème.

Pour simplifier :

Google c'est le mal pour le moment = boycott
Google c'est le mal = cancel culture

Lien entre utilisation et pouvoir

Utiliser quelque chose, c'est augmenter le pouvoir de son créateur, c'est-à-dire son influence sur le monde. Mais pourquoi ?

Premièrement, dans la majorité des cas, l'utilisation de quelque chose enrichit son créateur. (Même dans le cas de service "gratuit" : l'entreprise peut vous afficher des pubs, vendre vos données ce qui lui fait gagner de l'argent.) Or, malheureusement, l'argent est intrinsèquement lié au pouvoir (Philoxime 2023, Arte 2023). Donc dès qu'on augmente la richesse de quelqu'un, on augmente aussi son pouvoir.

Ensuite, un autre lien entre l'utilisation et le pouvoir est la dépendance et la manipulation que l'utilisation peut produire. Prenons le cas très simple de la relation entre un dealer et son client : si on lui achète de la drogue et qu'on en devient dépendant, alors on augmente son pouvoir car on dépend de lui pour avoir notre drogue. Un autre cas de dépendance et de manipulation sont bien entendus les réseaux sociaux. En utilisant un réseau social, son algorithme nous pousse dans la majorité des cas à en devenir dépendant (Science4All 2021). Cette création de la dépendance se fera aussi par la création d'une bulle de filtre (Académie de Toulouse 2021). Cette bulle manipulera donc notre opinion et augmentera ainsi le pouvoir que possède l'entreprise nous fournissant le service.

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La partie manipulation est bien plus visible pour les services, mais il ne faut pas oublier que c'est aussi possible avec la vente de biens !

Ainsi, l'utilisation d'une chose provoque nécessairement une augmentation du pouvoir de son créateur, mais cette augmentation est plus ou moins importante et plus ou moins dangereuse.

C'est ce lien là qui explique pourquoi nous sommes amené à boycotter certaines choses. En effet, en refusant d'utiliser un service ou de consommer un produit, on refuse de donner plus de pouvoirs à des entités que l'on considère comme mauvaise : ne pas acheter de voiture à essence pour lutter contre les industries pétrolières, ne pas utiliser Amazon pour éviter d'accroître son monopole ou encore utiliser Mastodon au lieu de Twitter pour éviter d'augmenter le pouvoir d'Elon Musk. Ces actions ont toutes pour objectif de réduire l'importance des entités que l'on vise en s'abstenant d'utiliser leurs produits.

On pourrait d'ailleurs voir le boycott comme une forme contraignante de protestation car on se prive de quelque chose, mais ce serait réducteur de voir le boycott comme cela. En effet, on peut remplacer certaines choses que l'on boycott par d'autres : par exemple je suis contre la production de laptop difficile à réparer, donc j'ai acheté un laptop de la marque Framework qui est entièrement réparable. Cet action là est bien un boycott car j'ai décidé de ne pas acheter un certain produit que je considère comme mauvais, mais en aucun cas c'est une privation : j'ai remplacé ce que je considérais comme mauvais par quelque chose qui est meilleur.

Conclusion

Boycotter, c'est refusé d'utiliser, de consommer un produit ou un service que l'on considère comme mauvais et qui, en l'utilisant, accentue le côté négatif. Souvent on boycott contre quelque chose car on la considère comme trop dangereuse, trop puissante. Ce boycott est efficace car en enlevant une utilisation, on réduit le pouvoir que l'entité a sur nous. Ce boycott pourrait aussi être vu comme une privation, mais on peut très bien boycotter un produit en le remplaçant par un autre.

Mais du coup, pourquoi je boycott ?

Je boycott quelque chose dès que je considère que cette chose va à l'encontre de ma morale. J'essaye que ce boycott ne devienne jamais de la cancel culture et je m'efforce de ne pas être dogmatique. Pour ce faire, je me renseigne un maximum sur de nombreux sujets en consultant des sources fiables, en les croisant et en les remettant en question. J'essaye aussi de toujours avoir conscience des biais que je pourrais avoir.

Je boycott pour montrer mon désaccord avec la direction que prend une chose. Par exemple, j'ai supprimé mon compte Twitter dès l'annonce du rachat par Elon Musk. Je le fais aussi pour essayer d'échapper à de trop grandes manipulations : je n'utiliserais jamais TikTok ou sérieusement Instagram à cause de leurs algorithmes nous manipulant (Science4All 2022, France Info & AFP 2021, Mediapart 2024).

Bref, je boycott dès que je considère les choses comme immorales et/ou dangereuses.


Si vous avez des questions, des remarques ou quoi que ce soit à me faire parvenir, n'hésitez pas à me contacter !